Etrange Prophétie - Chapitre 3 - Jolie Feuille : solitude, rêve ; Le Courroux

Il avait encore neigé aujourd'hui. De nombreux guerriers avaient attrapé un rhume, mais rien de grave. Je m'approchais de Petit Hiver, une chatonne. Elle éternua à mon approche, puis me dit d'une voix enrhumée :

- J'ai "doujours" "bal" à la tête. Tu n'as rien contre ça ?
- Je t'ai donné tout ce qui était en mon pouvoir. Maintenant, tu as juste besoin d'une bonne nuit de sommeil, et de rester dans la Pouponnière au lieu de sauter dans la neige dehors.

Elle soupira, et sortit en me saluant de sa petite queue blanche. Je me retrouvais maintenant seule dans mon Antre. Ils étaient tous retournés dans leurs Tanière respective. Alors que le nuit tombait, je sortis pour prendre un moineau sur la pile de gibier, puis je retournais m'installer dans mon Antre. Il faisait bien chaud à l'intérieur, le froid et la neige ne pénétrait pas jusqu'ici.
J'entamais alors mon moineau. J'aimais bien les moineau. En plus d'être jolis, ils avaient très bon gout. Le hululement d'une chouette dehors me fit sursauter. La solitude ici me pesait parfois, mais j'avais choisi la voie de Guérisseuse et en faisant ce choix je savais que je renonçais à bien des choses. Avant, quand Patte de Loup, mon mentor, était toujours vivant, nous parlions tout en mangeant. On discutait de la cueillette des plantes, de l'art de soigner un épaule déboîté (manœuvre qui pouvait se montrer très difficile, à la moindre erreur, le patient avait l'épaule déboîtée à vie, et ne pourrait plus jamais courir, à peine marcher.), etc... Il me manquait, ce vieux chat grincheux.
Mon repas finit, je m'installais plus confortablement sur ma litière de mousse. Je posais la tête sur mes pattes et le sommeil ne tarda pas à venir...

J'ouvris les yeux. Autour de moi n'était plus l'odeur rassurante des plantes médicinales, ni les couches de mousse des patients, mais du noir. Du noir. Que du noir, partout, à perte de vue. Une odeur de sang flottait dans l'air. Puis, peu à peu, je pus distinguer des buissons, des arbres. Un bruissement dans les feuilles me fit sursauter.

- Patte de Loup, c'est toi ? Tu as message pour moi ?
Pas de réponse.
- Patte de Loup ? Quelqu'un ? N'importe qui ! Le Clan des Étoiles m'a-t-il abandonné ?!
Encore des bruits de feuilles.
- Montrez vous, bon sang !
Une voix grave, rauque, me répondit :
- Tu veux que je montre, gamine ? Très bien... tu l'auras voulut. Ne viens pas te plaindre. Un chat noir aux griffes taillées comme des épines apparut.
- Toi ! criais-je. Laisse moi tranquille ! Je ne t'ai rien fait, je n'ai rien à me reprocher ! Laisse moi ! Laisse moi !
Puis je partis en courant dans la direction adverse. je crus un instant qu'il me suivrait, mais il ne bougea pas d'une moustache. Je continuais ma route, m'écorchant sur les ronces, trébuchant sur les racines. Mais rien ne m'importait, ce n'était qu'un cauchemar, bien que ça ai l'air très réel.
Je me retrouvais dans une grande clairière. L'herbe était tachée de sang. Je pensais que j'allais me réveiller, mais au contraire, mon rêve était plus vrai que nature. Soudain, un groupe de chat décharnés apparut devant moi. Ils marchaient dans ma direction, un sourire sadique sur le visage. Je faillis partir en courant, mais comme je tardais, ils arrivèrent à ma hauteur. Je m'aperçus alors que j'étais invisible pour eux, ils me passaient même au travers. Je me mis alors à trotter parmi les félins, les étudiant de plus près, essayant de comprendre ce qui leur donnait cet air diabolique. J'aperçus alors, à leur tête, le même grand chat noir aux yeux rouge sang. Une jeune femelle grise de mon age environ s'approcha de lui, et lui dit, d'un air soucieux :

- Euh... Je continue de penser que c'est une mauvaise idée. Pourquoi tuer des dizaines de chats si c'est pour en attraper une seule ? Nous ferions mieux d'attendre qu'elle soit seule, et là, nous pourrions...
- Tu critique mes idées, Perdue ?! la coupa-t-il. Je savais que tu nous était déloyale depuis le début ! Souviens toi que je vous ai sauvés d'une mort certaine, toi et ton frère, alors que ce n'était pas mon but ! Sans moi, tu serais sans doute morte dans une ruelle de la Ville de ces stupides Bipèdes !
- Je ne te critique pas, je veux juste dire que...
Sans attendre, le chef du groupe (c'est ce que j'ai pu comprendre) frappa violemment la jeune chatte au visage, qui vola une bonne dizaine de longueurs de queue pour retomber lourdement au milieu de troupeau de chats, pour ne pas se relever. Un jeune mâle noir à la queue blanche se précipita vers elle :
- PERDUE !!! Il se retourna vers mon grand-père. Monstre, assassin ! Pourquoi à-tu fais ça ?!
- Douleur, vil chacal ! Toi et ta traîtresse de sœur n'avaient aucun avenir dans la Meute du Sang qui Coule !

Il se précipita sur le dénommé Douleur et lui infligea le même châtiment qu'à sa sœur. Les chats autour de lui riaient encore et toujours, mais les plus jeunes semblaient choqués et tristes.
- Que ça serve de leçon à tout le monde, bande d'incapables ! cria l'assassin. Le prochain qui ose s'opposer à moi subira une souffrance telle qu'elle restera dans l'histoire !
- Devons-nous enterrer ces deux traîtres ? demanda un mâle roux foncé dans le fond.
- Oui, allez-y. Les enterrer vivant sera drôle. S'ils arrive à sortir et qu'ils sont encore vivants demain, ils viendront peut-être nous supplier à genoux de les reprendre dans la Meute.

Sur ce, il rit encore, comme ses guerriers, et sans un mot, reprit le chemin qu'il avait interrompu. Je m'étais recroquevillé près des deux pauvres chats qui avaient subit le courroux de mon grand-père. Les chats de la Meute attrapèrent violemment les deux jeunes chats inconscients et entreprirent de creuser un trou. J'aurais voulut les en empêcher, mais ils ne m'entendaient pas et ne me voyaient pas.

Cette fois-ci, mon rêve était finit. J'ouvris les yeux pour me retrouver dans ma tanière. Je me recroquevillais sur moi même. Le jour pointait à l'horizon. Bien. Je connais maintenant ta puissance.Tu va voir de quel bois se chauffe le Clan de la Cité, chacal impitoyable.

[quelqu'un peu répondre si vous voulez]

Je me réveillai, fatiguée. J'avais très mal dormi à cause de toute cette histoire de griffes sanguinaires. Je devais aller voir Jolie Feuille pour savoir comment elle se sentait. Non seulement, elle était très affectée par tout ça, mais en plus, j'étais sûre qu'elle en savait long sur toute cette histoire. Je sortis de la tanière. Je me dirigeai vers le tas de gibier et pris une maigre grive pour mon amie, la connaissant, tracassée comme elle devait l'être, elle n'avait pas dû manger depuis hier soir. J'entrai dans sa tanière.
"Jolie Feuille, je peux?"
-..."

Je réfléchissais comme toujours à cette histoire de prophétie, quand une voix familière me tira de mes pensées :

- Jolie Feuille, je peux ?
- Bien sur, entre.
Étoile du Printemps vint s'assoir à côté de moi et déposa une grive devant moi.
- Mange, ça te fera du bien.
Je regardais mon repas. J'avais faim et l'oiseau me semblait appétissant, mais je n'étais pas d'humeur à manger.
- Merci, dis-je tout de même.

Ma chef me sourit. Je m'accroupis et entrepris de commencer à manger l'oiseau. Mais je mangeais lentement. Je dis alors à la grande femelle :

- Tu sais, j'ai encore fait un drôle de rêve, cette nuit.
- Ha ? Peux-tu me le raconter ?
J'avalais la dernière bouchée de mon repas, relevais la tête vers elle et commençais :
- C'était bizarre, et affreux. Au début, j'étais dans une sorte de forêt, et j'étais seule avec mon grand-père. J'ai fuis, et me suis retrouvée dans une grande plaine, dont l'herbe était tachée de sang. Là, il y avait pleins de chats, tout une meute...
Je lui racontais tout bien en détail : le courroux de mon grand-père, Perdue et Douleur, le fait qu'ils aient étés enterrés vivants, etc... Quand j'eus finit, Étoile du Printemps me dit :

-...

"Quelle horreur! Mais si on y réfléchi bien, ce rêve était forcément envoyé par le Clan des Étoiles. Sûrement pour nous prévenir, mais en même temps, pour sauver ces deux chats. Donc, récapitulons. La Meute du Sang qui Coule est dirigée par ton grand-père..."

La jeune Guérisseuse baissa la tête. Je compris que je devais absolument éviter de préciser leur lien de parenté.

"Est-ce que tu te souviens de son nom?"Lui demandai-je avec douceur.

Elle releva la tête avec une lueur d'espoir et de gratitude dans les yeux; elle avait compris que je ne voulais plus lui faire de peine. Mais cette lueur s'éteignit, faisant place à une expression de profonde tristesse.
"Non, je n'en ai aucune idée."
-Ca n'est pas grave." répondis-je en essayant de dissimuler ma déception."Peux-tu simplement me le décrire quand tu l'as vu?"
-Grand, le pelage très foncé, désolée, il faisait sombre, je n'ai pas vu la couleur exacte...
-Ca n'est pas grave. Répondis-je en me disant. Tant pis pour les détails, on a le principal.

-je me souviens principalement de ses longues griffes pleines de sang. Je relevai vivement la tête, ce point la m'interpellait.

-Je me souviens, quand il a frappé Perdue et Douleur, le sang qui a giclé de ses griffes et des corps.

J'étais fascinée. Je ne reconnaissais plus ma Jolie Feuille que je pensais si bien connaitre. Elle qui n'aurait jamais décrit aussi fidèlement une scène ensanglantée, elle regardait le sol, mais sans rien voir, à part peut-être la scène qui s'était donnée à elle cette nuit, à peine quelques heures plus tôt.

Elle frissonna, semblant revenir dans le monde autour d'elle, dans la tanière, à côté de moi et devant la grive, que nous avions délaissée. Je posai ma queue sur son dos pour la rassurer et en signe protecteur. Elle se tourna vers moi et je lui dis à mi-voix, en souriant.
"Ne t'en fais pas, nous serons là autour de toi. Pour te protéger. Moi, le clan, Plume Argentée..." Elle sursauta.

Je sursautais. Comment est-elle au courant ?!

- Plume Argentée ?... Pourquoi me parle-tu de lui ?... Il n'a rien à voir dans cette histoire... je le connais à peine... je l'aime bien, c'est tout...

Je transpirais à grosses goutes. Si Étoile du Printemps découvrait que Plume Argentée était un petit peu plus qu'un ami pour moi, j'étais mal barrée. Déjà que j'étais un peu mal vu par les membres du Clan de la Cité à cause de mes origines de chats errants et de chat domestiques, si ils apprenaient ce qui se passaient, tous me détesteraient...
Étoile du Printemps me répondit alors :

-...

Mon amie se troubla. Je souris en entendant ses excuses. La pauvre. Elle essayait de se justifier, mais elle s'enfonçait encore plus.
Avant qu'elle ne finisse par dire des choses qu'elle regretterait, je la calmai.
"Relax, Jolie Feuille! Détends-toi. Je ne dirai rien à personne." La jolie Guérisseuse baissa la tête, embarrassée et honteuse. Et j'ajoutai avec un sourire.
-Et je peux même te confier un secret." Elle releva la tête l'air intrigué. Je souris et lui chuchotait à l'oreille.
"Je vis aussi un amour interdit."

- Mais... tu es chef de Clan ! m'écriais-je un peu trop fort.
Elle rit.
- Et tu es bien Guérisseuse, non ?

Je baissais la tête, honteuse. Étoile du Printemps pouvait alors comprendre ce que j'éprouvais ? J'étais à la fois heureuse que ma meilleure amie me comprenne, et triste qu'elle sache ce qui m'arrivait. Et bien sur, la fameuse question arriva rapidement dans mon esprit.

- Est-ce que j'ai le droit de savoir avec qui ?...
-...

-Si tu veux, puisque maintenant nous nous serrons les coudes..."Je ne prenais même plus de grande inspiration, comme je le faisais avant, quand je devais annoncer quelque chose de grave ou d'embarrassant. Je pris juste mon temps, car je savais que c'était une information qu'elle risquait de mal digérer. Finalement je me lançai.
"...Tu vois Étoile de Foudre?"